Il était une fois un ruisseau, et comme tous les ruisseaux, il abritait de multiples formes de vie. Insectes, crustacés, poissons nageant et frétillant dans le courant. Mais il se prépare, dans un méandre, à l’abri des remous, un événement inhabituel. En effet, une étrange salamandre, rouge comme la braise, est prête à se métamorphoser et à quitter l’élément liquide. Elle approche de la rive, sort la tête, hume l’air. Puis elle étend ses pattes pour découvrir la terre ferme et elle avance, droit devant elle, comme en quête de ce qui la fera vivre, de la force qui s’accordera à sa nature. Ses pattes s’enfoncent dans le limon, évitent les cailloux, disparaissent entre les feuilles mortes.

Elle chemine, minuscule être vivant parmi tant de formes inconnues et hostiles. Puis la nuit vient, tout est sombre. Seules les étoiles et la lune éclairent l’obscurité. Elle s’arrête alors, attirée par un fagot de branches. Elle se fraye un chemin à travers le bois sec, s’installe et regarde le ciel entre les rameaux. Un rayon de lune l’effleure et alors, comme ensorcelée, la salamandre enflamme les brindilles. Le feu prend, s’élève vers le ciel, engendrant des étincelles qui vont rejoindre les étoiles.

Un homme est là, observant la nuit, attentif à la vie cachée dans les fourrés. Ebloui, il regarde s’enflammer le fagot de bois qu’il avait assemblé. Le feu grandit, prend place dans les yeux de l’homme. Son esprit brûle, danse avec les flammes, s’envole dans la nuit en mille éclats de lumière. L’homme est fasciné. Il observe les flammes jaunes, rouges, écarlates qui se créent un passage entre les morceaux de bois, les caressent, les entourent, les dévorent. Il distingue même des formes mouvantes rappelant des êtres magiques, déesse, fée, farfadet ou… salamandre.

Les braises aussi s’animent, se transforment. Il tend la main vers les charbons ardents, prêt à recueillir l’inattendu… C’est alors que l’animal sort du feu, ses yeux incandescents éclairent la nuit. L’homme perçoit sa chaleur. Sa main brûle autant que son cœur. Il reconnait alors la salamandre entrevue dans les flammes, l’être mystérieux qui vit dans le feu… Il sait que l’animal s’en nourrit pour en recevoir force, vigueur et même immortalité…

Cette rencontre est si magique, l’instant si intense que pour le prolonger et le perpétuer, l’homme emmène la salamandre chez lui. Car chez lui aussi, il y a le feu. Il lui fait une place dans les fagots de bois au cœur des poêles et des cheminées. Il sait qu’au moindre rayon de lune, elle s’embrasera. Elle est le génie du lieu, la gardienne des foyers. Ensemble ils savent préparer l’âtre, attiser les flammes, aviver les braises pour transmettre leur passion. Ensemble ils offrent le feu, le feu maîtrisé, le feu dompté prêt à devenir le cœur de chaque maison.

Alors, regardez bien, vous trouverez peut-être une salamandre, endormie dans le bois ou éveillée, traversant les flammes, parmi les cendres et les pierres brûlantes. Ne tentez pas de la toucher. Elle est ici chez elle. Mais cherchez son regard, vous y trouverez le mystère du feu, l’éblouissement des flammes, le rayonnement de la passion partagée. Alors, vous pourrez emporter chez vous un peu de son âme. Elle pourra s’embraser, danser et illuminer vos vies et votre foyer…

Métamorphose, éblouissement, rencontre…
et le feu devient passion…